L’Argentine découvre un opéra d’Edgardo Cozarinsky et Pablo Mainetti sur la traite des blanches

L’écrivain et cinéaste argentin Edgardo Cozarinsky, longtemps exilé à Paris, n’a jamais été aussi prolifique que depuis qu’il est rentré à Buenos Aires. Les Argentins ont le privilège de découvrir, jusqu’au 27 mai, son opéra Ultramarina, avec musique de Pablo Mainetti et mise en scène de Marcelo Lombardero.

Por Pablo A. Paranagua para Le Monde

L’écrivain et cinéaste argentin Edgardo Cozarinsky, longtemps exilé à Paris, n’a jamais été aussi prolifique que depuis qu’il est rentré à Buenos Aires. Les Argentins ont le privilège de découvrir, jusqu’au 27 mai, son opéra Ultramarina, avec musique de Pablo Mainetti et mise en scène de Marcelo Lombardero.

La petite salle du bar-théâtre Hasta Trilce, à Buenos Aires, affiche chaque soir complet. L’argument est très librement inspiré d’un roman de Cozarinsky, Le Ruffian moldave (traduction française chez Actes Sud, 2005). « J’ai choisi de dépouiller sa trame complexe et d’en tirer une continuité presque linéaire à partir de quelques épisodes et personnages », explique l’auteur.

Le roman et l’opéra évoquent un aspect sombre de l’histoire de l’immigration juive en Argentine : la Zwi Migdal, le réseau de traite de prostituées qui trompa et amena à Buenos Aires et en province de nombreuses jeunes femmes d’Europe orientale, entre 1906 et 1930.

Un trio anime l’opéra : un joueur de bandonéon critiqué par sa famille pour avoir abandonné le violon, une jeune fille au caractère bien trempé dont il tombe amoureux mais qui ne survit pas à la tuberculose, et une deuxième femme qui parvient à échapper aux souteneurs et devient chanteuse de tango. La représentation débouche sur la poursuite de la traite de personnes de nos jours, dans la plus totale impunité.

La musique de Pablo Mainetti est au départ plus proche d’Alban Berg ou Arnold Schönberg, propices à l’évocation des origines cosmopolites des victimes de la traite et à une modernité insolente, compromise par les déchirements du destin. Des lamentations du bandonéon s’introduisent progressivement dans la composition, jusqu’à épouser les airs de la musique de Buenos Aires. Un tango, un seul, suffit à rappeler que les maisons closes ont souvent été les berceaux des chansons les plus romantiques ou mélodramatiques, censées aujourd’hui encore exprimer la sensibilité des Argentins.

C’est un opéra de chambre, avec un orchestre réduit et une petite troupe, qui aurait néanmoins mérité une scène plus large et un public plus nombreux.

Le Centre expérimental du théâtre Colon, la célèbre salle de Buenos Aires, avait commandéUltramarina, puis l’avait délaissée à l’occasion d’une alternance politique et d’un changement de direction du théâtre.

La possibilité de la présenter à La Plata, la capitale de la province de Buenos Aires, a ensuite buté sur les exigences syndicales : l’orchestre symphonique devait jouer au grand complet, sinon rien…

Après avoir vaincu tous ces obstacles, Ultramarina a enfin vu le jour, obtenant les applaudissements du public et l’approbation de la critique. Il est souhaitable que d’autres salles puissent reprendre le spectacle, en Argentine et ailleurs, où cette saga moderne touchera sans doute le cœur des mélomanes et des amateurs des ombres et lumières de Buenos Aires.

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